À Lagos, l’annonce du président américain Donald Trump, évoquant une possible intervention militaire au Nigeria, suscite de vifs débats. Certains y voient une intervention salvatrice face à l’insécurité persistante, tandis que d’autres dénoncent une ingérence inadmissible dans les affaires d’un État souverain.
Pour une partie de la population, l’idée d’un soutien militaire étranger apparaît comme une réponse désespérée à la violence qui ravage le pays. Mais pour d’autres, la position américaine constitue une atteinte directe à la souveraineté nationale.
« Les États-Unis et le Nigeria sont deux nations souveraines. Cette souveraineté doit être respectée. Je ne vois pas pourquoi le président américain chercherait à provoquer un conflit avec le Nigeria sans fondement sérieux », déclare Idongesit Essien, enseignant à Lagos.
Si le gouvernement nigérian rejette catégoriquement toute intervention extérieure, le ras-le-bol de nombreux citoyens traduit une priorité : la sécurité, quel qu’en soit le prix.
« Le problème, c’est qu’il y a trop de violences ici. Nous avons besoin d’aide. Si des soldats venaient, ils pourraient au moins nous protéger des voleurs et des attaques d’éleveurs peuls. Les agriculteurs n’osent plus aller dans les champs à cause des tueries, ce qui renchérit tout. L’arrivée de soldats pourrait vraiment nous soulager », témoigne Kehinde Ajayi, fonctionnaire.
Les menaces de Donald Trump interviennent après plusieurs mois de pression exercée par des élus conservateurs américains, qui dénoncent un prétendu « génocide » contre les chrétiens au Nigeria. Le président a même menacé de suspendre toute aide et coopération avec Abuja.
Pourtant, sur le terrain, la situation est plus complexe.
« Il n’y a pas de génocide chrétien stricto sensu. Mais si la situation n’est pas maîtrisée, la population chrétienne pourrait diminuer fortement. Dans le nord, certaines minorités hésitent à afficher leur foi car elles se sentent vulnérables », nuance John Aggrey, banquier à Abuja.
Avec ses quelque 220 millions d’habitants, le Nigeria reste confronté à de multiples foyers de violence : insurrection de Boko Haram, tensions entre agriculteurs et éleveurs, rivalités communautaires et conflits ethniques. Ces dynamiques touchent autant les musulmans que les chrétiens.
En 2020, Washington avait placé le Nigeria sur sa liste des « pays particulièrement préoccupants » en matière de liberté religieuse — une décision sans lien exclusif avec les attaques contre les chrétiens — avant de retirer cette désignation en 2023, dans un contexte de rapprochement diplomatique avant la visite du secrétaire d’État Antony Blinken.