À Abuja, l’heure de vérité pour une CEDEAO fragilisée

Le 7 juillet prochain à Abuja, les chefs d’État de la CEDEAO se réuniront pour un sommet qualifié d’historique, dans un climat de défiance et de remise en question. Cinquante ans après sa création, l’organisation ouest-africaine apparaît ébranlée, minée par les départs fracassants du Mali, du Burkina Faso et du Niger, et par une crise de légitimité qui la pousse au bord du précipice. La récente conférence de Dakar, sobrement intitulée « La CEDEAO à 50 ans : changer ou périr », a posé les termes du débat avec une gravité assumée. À défaut de se réinventer, l’organisation risque de devenir une institution spectrale, incapable de répondre aux fractures politiques et sociales qui secouent la région.

À Dakar, le Sénégal a tenté d’incarner une voie médiane, lucide mais constructive. Plusieurs figures de la société civile et du monde universitaire ont alerté sur le divorce grandissant entre les élites politiques et les aspirations populaires. Le président Bassirou Diomaye Faye, tout en condamnant les ruptures anticonstitutionnelles, semble miser sur une diplomatie d’influence discrète, loin des injonctions verticales. L’enjeu, désormais, est de retisser un lien de confiance entre l’organisation et les citoyens d’Afrique de l’Ouest, dans un contexte où le sentiment d’abandon nourrit les populismes militaires.

Le président nigérian Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de l’organisation, a appelé à une « transformation économique collective », arguant que l’avenir de la CEDEAO ne pouvait plus reposer sur la seule logique sécuritaire. Derrière cet appel, c’est la faillite d’un modèle technocratique, centré sur les sommets et les sanctions, que dénoncent de plus en plus de voix. L’idée d’une CEDEAO des peuples, attentive aux réalités de terrain, revient avec force. Car comment prétendre incarner l’unité ouest-africaine tout en sanctionnant les peuples à travers des embargos aveugles, comme cela fut le cas pour le Mali ou le Niger ?

Le sommet d’Abuja sera donc plus qu’un simple rendez-vous diplomatique : ce sera un test de crédibilité. Réforme du protocole sur la bonne gouvernance, réinvention des mécanismes de médiation, soutien affirmé aux économies périphériques, repositionnement géopolitique face aux puissances rivales : autant de dossiers brûlants sur lesquels la CEDEAO joue sa survie. Le moment n’est plus à la rhétorique. L’Afrique de l’Ouest attend des actes.

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