Le 19 juin, la Fédération sénégalaise de basketball annonçait, non sans amertume, l’annulation du stage préparatoire de l’équipe féminine nationale, faute de visas délivrés par les États-Unis. La sélection devait s’envoler pour un camp d’entraînement à Chicago en vue de ses prochaines échéances internationales. Mais la quasi-totalité des membres de la délégation, joueuses comme encadrants, s’est vu refuser l’entrée sur le territoire américain, sans justification claire ni recours. Ce revers diplomatique, loin d’être un cas isolé, réveille un débat plus large sur les restrictions de visas imposées aux ressortissants africains — un sujet redevenu brûlant depuis la réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche en novembre 2024.
Ce refus collectif ravive le souvenir du « Muslim Ban » instauré en 2017, élargi sous le premier mandat Trump à plusieurs pays africains, dont le Nigeria, la Tanzanie, la Somalie ou l’Érythrée. Depuis son retour au pouvoir en janvier 2025, le président américain a annoncé vouloir réactiver et durcir ces politiques migratoires, invoquant des préoccupations sécuritaires et un contrôle accru de l’immigration. Pour de nombreux observateurs, le cas du Sénégal pourrait n’être qu’un avant-goût d’une série de restrictions ciblées à l’encontre de délégations sportives, étudiantes ou culturelles africaines. Le climat actuel laisse entrevoir un durcissement systémique.
Sur les réseaux sociaux, la réaction a été immédiate. De nombreux jeunes Africains, étudiants, sportifs ou entrepreneurs, ont exprimé leur frustration face à ce qu’ils perçoivent comme une politique d’exclusion injuste. Le hashtag #VisaBan s’est propagé au Sénégal, au Nigeria, au Ghana et en Côte d’Ivoire, souvent accompagné d’appels à l’autonomie stratégique du continent : « Comment parler de coopération internationale si nos passeports nous ferment toutes les portes ? », écrivait un internaute. Certains y voient même un signal d’alarme pour que les États africains investissent davantage dans leurs propres infrastructures sportives et éducatives.
Au-delà du cas du basketball sénégalais, l’affaire pose une question plus large : celle de l’équilibre des relations entre l’Afrique et les puissances occidentales. Refuser un visa à une équipe nationale encadrée par une fédération officielle n’est pas qu’un acte administratif ; c’est un geste hautement symbolique. Si les États-Unis veulent préserver leur influence et leur image sur le continent africain, notamment face à la Chine, ils devront impérativement repenser leur rapport à la mobilité humaine et au respect des partenaires africains. L’avenir des relations Afrique–États-Unis pourrait bien se jouer, autant sur les parquets de basket, que dans les bureaux de l’immigration.