Tunisie : quatre ans après le coup de force de Kaïs Saïed, la rue se soulève contre la dérive autoritaire

Ce 25 juillet, jour théoriquement dédié à la République, s’est transformé à Tunis en une démonstration de colère populaire contre la confiscation du pouvoir par un seul homme. Quatre ans jour pour jour après la suspension du Parlement par Kaïs Saïed, des centaines de citoyens sont descendus dans les rues de la capitale pour dénoncer ce qu’ils considèrent désormais comme un coup d’État permanent. Loin des promesses de réforme et de moralisation brandies en 2021, le régime de Saïed est aujourd’hui accusé de dérive autoritaire, de répression politique systématique et de musèlement des libertés fondamentales.

Sur l’avenue Bourguiba, devenue symbole des luttes démocratiques, les slogans étaient sans équivoque : « Non à l’absolutisme ! », « Liberté pour tous les prisonniers politiques ! », « Pouvoir au peuple ! ». Des portraits de détenus de toutes tendances – islamistes, progressistes, avocats, juges, journalistes – s’alignaient dans une dénonciation unanime d’un pouvoir que ses opposants qualifient de personnel et arbitraire. Parmi les figures mises en avant : Rached Ghannouchi, Noureddine Bhiri, Abdelhamid Jelassi ou encore la journaliste Chadi Al-Haj Mubarak. Tous, aujourd’hui derrière les barreaux.

Le symbole d’une cage installé au cœur du rassemblement traduisait l’étouffement des libertés en Tunisie sous le régime de Kaïs Saïed. À l’intérieur, un homme exhibait un portrait avec ces mots : « De la Tunisie à la Palestine, liberté ». L’image était puissante, accusatrice : en prétendant incarner la voix du peuple, le président tunisien a méthodiquement réduit au silence toute opposition, toute voix discordante, toute critique. « Ce jour est un coup d’État contre la Constitution et contre tout ce que le peuple tunisien a construit », a martelé Saida Akremi, épouse de Noureddine Bhiri, dénonçant l’arbitraire d’un système qui n’épargne ni les femmes ni les symboles de la révolution.

Plus d’une quinzaine de femmes politiques, avocates, militantes et journalistes sont actuellement emprisonnées, une répression sans précédent dans l’histoire moderne du pays. « Qui aurait cru que la Tunisie, pays pionnier des droits des femmes dans le monde arabe, en viendrait à enfermer ses propres citoyennes pour leurs idées ? » s’est indignée Hafsia Bourguiba. Dans un contexte de crise économique étouffante, d’isolement diplomatique croissant et d’impopularité marquée, le régime Saïed semble avoir choisi la fuite en avant répressive.

Alors que le dernier rapport d’Amnesty International dénonce une vague d’arrestations politiques, le musellement de la presse et l’usage abusif de lois vagues pour faire taire les critiques, une question s’impose : combien de temps encore le peuple tunisien tolérera-t-il cette dérive autoritaire sous couvert de légalité ? Le 25 juillet n’est plus un jour de fête. Il est devenu un jour de résistance.

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