Au large des côtes portugaises, un nouvel épisode tragique de l’immigration clandestine a rappelé l’ampleur du drame humain qui se joue aux portes de l’Afrique. Vendredi, une petite embarcation en bois transportant 38 migrants marocains — parmi eux 25 hommes, six femmes et sept enfants âgés de 12 mois à 44 ans — s’est échouée sur les plages de l’Algarve, dans le sud du Portugal. Selon un témoignage local, quatre passagers auraient péri durant la traversée depuis le Maroc, un voyage qui aurait duré cinq jours dans des conditions extrêmes. À leur arrivée, les survivants, affamés et épuisés, ont reçu un peu de nourriture et d’eau de la part d’habitants compatissants avant d’être pris en charge par les autorités.
Samedi, le tribunal de Silves a ordonné leur expulsion, leur donnant 20 jours pour quitter le Portugal sous peine de renvoi forcé. En attendant, ils sont détenus dans un pavillon de Sagres, aménagé pour les accueillir temporairement, sous la surveillance de la Garde nationale républicaine et des services de secours. Les enfants, conformément au droit international, ne feront pas l’objet de poursuites. Les adultes, eux, devront comparaître devant la justice dans les 48 heures. Quant à une éventuelle demande d’asile, le gouvernement portugais a fermé la porte, estimant qu’il ne fallait « pas spéculer » sur leur avenir.
Si le Portugal se félicite de la rapidité de sa réponse pour « garantir la sécurité de ses frontières maritimes », cette affaire soulève des questions plus profondes pour nous, Africains, et en particulier pour le Maroc. Pourquoi, en 2025, des hommes, des femmes et même des enfants prennent-ils encore la mer au péril de leur vie, comme s’ils fuyaient un pays en guerre ? Qu’est-ce qui pousse des citoyens à s’engager dans un voyage aussi suicidaire, alors même que l’Europe a durci ses lois migratoires et que l’accueil y est de plus en plus restreint ?
L’image de ces familles, entassées sur une embarcation de fortune, n’est pas seulement celle d’un drame humanitaire, c’est aussi le reflet d’un échec collectif. Les gouvernements africains, dont le Maroc, ne peuvent continuer à assister à ce phénomène comme à une fatalité. Les causes sont connues : chômage endémique, absence de perspectives économiques, désenchantement politique, et parfois même sentiment d’abandon face aux inégalités croissantes. Tant que ces problèmes structurels ne sont pas affrontés avec courage et efficacité, les candidats à l’exil continueront de voir dans la mer non pas une frontière, mais une échappatoire.
Cette tragédie doit être un électrochoc. Car au-delà des chiffres et des procédures judiciaires, ce sont des vies, des rêves et des familles qui se brisent. Plutôt que de ne parler que de « sécurité des frontières », il est urgent d’investir dans la sécurité humaine, en offrant à chaque citoyen la possibilité de vivre dignement chez lui. Sans cela, les embarcations continueront de partir, et les côtes d’Europe continueront de recevoir, jour après jour, les survivants — et trop souvent les corps — de cette fuite désespérée.