Touadéra vise un troisième mandat : la Centrafrique entre continuité du pouvoir et incertitudes démocratiques

C’est désormais officiel : Faustin-Archange Touadéra, au pouvoir depuis 2016, a levé le voile sur ses intentions. Samedi, à l’occasion du congrès de son parti, le Mouvement des Cœurs Unis (MCU), tenu à Bangui, le président centrafricain a annoncé sa candidature à un troisième mandat. « Ma réponse est oui : je suis votre candidat », a-t-il lancé devant une foule acquise, actant une ambition rendue possible par la réforme constitutionnelle controversée de 2023.

Adoptée par référendum dans un climat de tension politique, la nouvelle Constitution a fait sauter le verrou des deux mandats présidentiels et allongé leur durée de cinq à sept ans. Officiellement approuvée par plus de 95 % des votants — un chiffre qui suscite scepticisme dans les rangs de l’opposition et parmi les observateurs internationaux — cette révision institutionnelle est perçue comme un levier de consolidation personnelle du pouvoir. Pour ses détracteurs, Touadéra ne cherche pas à gouverner, mais à s’inscrire dans la durée, dans la lignée des présidences sans fin qui jalonnent l’histoire politique du continent.

Depuis son accession à la magistrature suprême, l’ancien mathématicien devenu chef d’État s’est efforcé de stabiliser un pays à l’histoire jalonnée de coups d’État et de soulèvements armés. Mais c’est surtout par des alliances sécuritaires extérieures qu’il a consolidé sa position. Dès 2018, le recours aux mercenaires russes de Wagner a marqué un tournant dans la stratégie du régime face à la rébellion de la CPC (Coalition des patriotes pour le changement), qui continue de contester son autorité sur le terrain. Derrière la façade institutionnelle, le pouvoir repose en partie sur des appuis militaires venus de l’étranger et une gestion centralisée de l’appareil d’État.

Enclavée, instable, mais riche en ressources stratégiques — or, diamants, bois —, la République centrafricaine reste paradoxalement l’un des pays les plus pauvres du monde. La promesse d’un « nouveau départ » portée par Touadéra en 2016 s’est progressivement diluée dans une réalité politique dominée par la survie du régime, au prix d’un rétrécissement de l’espace démocratique. Si la date du scrutin de décembre 2025 reste à déterminer, les enjeux, eux, sont déjà clairs : entre légitimation populaire encadrée et tentation d’une présidence illimitée, la Centrafrique s’engage dans une séquence à haut risque pour son avenir institutionnel.

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