C’est un tournant stratégique aux allures de réhabilitation régionale. Ce jeudi à Damas, à l’occasion du forum syro-saoudien, Riyad a officiellement présenté son plan de reconstruction de la Syrie, scellant le retour en force du royaume wahhabite dans un pays longtemps considéré comme isolé diplomatiquement. La délégation saoudienne, composée de quelque 150 représentants des secteurs public et privé, a signé 47 accords et protocoles d’entente couvrant un large éventail de secteurs – des infrastructures à l’énergie, en passant par le tourisme, l’industrie et les télécommunications. Montant total annoncé : 24 milliards de riyals, soit près de 6 milliards de dollars.
Pour Bachar al-Assad, ce soutien économique massif sonne comme un véritable bol d’air. Si la Syrie semble avoir retrouvé une forme de calme relatif sur le plan militaire, le pays reste englué dans une crise économique abyssale, marquée par l’effondrement de la livre syrienne, la destruction massive des infrastructures, et une pauvreté généralisée. Le retour de partenaires arabes influents comme l’Arabie saoudite, et à travers eux, l’ouverture potentielle aux capitaux du Golfe, ouvre une perspective de relance progressive, même si les défis restent titanesques.
Ce geste saoudien intervient dans un contexte de réajustement géopolitique plus large. Après plus d’une décennie d’isolement imposé au régime syrien par ses voisins arabes, Riyad prend l’initiative de la normalisation. Le signal est d’autant plus fort qu’il est appuyé par une évolution spectaculaire de la position américaine. Lundi, l’ancien président Donald Trump a signé un décret levant les sanctions économiques des États-Unis contre la Syrie, facilitant ainsi l’afflux potentiel d’investissements étrangers. Une décision qui, au-delà des calculs économiques, reflète un changement de cap politique de la part de Washington.
En quelques jours, Damas a donc engrangé deux victoires symboliques et stratégiques : la fin d’un embargo occidental paralysant, et l’engagement financier d’un acteur-clé du Golfe. Si cette dynamique se confirme, elle pourrait profondément redessiner les équilibres régionaux, tout en posant une question politique majeure : peut-on reconstruire un pays sans en réformer le régime ? Pour l’heure, la priorité semble être ailleurs : sortir la Syrie du marasme, remettre des grues dans les villes, et faire revenir l’argent. Le reste viendra peut-être plus tard.