Le dernier rapport du Groupe de la Banque africaine de développement dresse un tableau sombre de l’économie sud-soudanaise en 2024. Plongé dans une crise profonde, le plus jeune pays du continent paie le prix fort de conflits internes persistants, de chocs climatiques à répétition et d’une économie trop largement dépendante du pétrole. Si ces facteurs externes sont indéniables, ils ne doivent pas masquer la faiblesse structurelle d’un modèle économique qui peine à se réinventer plus de dix ans après l’indépendance.
La situation est d’autant plus critique que la Banque mondiale anticipe une contraction de 30 % de la croissance économique sur la période 2024-2025, en raison de l’arrêt brutal des exportations de pétrole. Dans un pays où plus de 90 % des recettes publiques proviennent de l’or noir, la moindre perturbation du secteur énergétique se traduit par un effondrement immédiat des finances publiques, paralysant les investissements, les services sociaux et les infrastructures de base. Une fragilité qui révèle l’absence de diversification économique, pourtant promise depuis des années.
Face à cette détresse, les grandes institutions financières internationales annoncent des initiatives de soutien. La Banque africaine de développement, notamment, affirme appuyer les efforts du gouvernement sud-soudanais pour promouvoir l’emploi des jeunes, des femmes et encourager la création de microentreprises. Mais ces promesses se heurtent souvent à une réalité bien plus complexe. Trop souvent, ces institutions dictent des recommandations macroéconomiques standardisées, sans tenir compte des dynamiques locales ni des besoins réels d’un tissu économique encore embryonnaire.
Car derrière les rapports et les chiffres se cache une population en grande souffrance : des millions de jeunes sans emploi, des agriculteurs démunis face aux inondations et sécheresses successives, et une société civile étouffée par l’instabilité. Les « solutions » proposées semblent parfois plus orientées vers la satisfaction des bailleurs que vers un véritable projet de développement endogène. En misant encore et toujours sur des programmes techniques et des diagnostics déjà vus ailleurs, ces institutions reproduisent un cycle d’assistanat sans réelle transformation.
Le Soudan du Sud a certes besoin d’aide, mais pas de recettes importées ni de promesses creuses. Il lui faut un accompagnement sur mesure, respectueux de sa complexité politique et sociale, et surtout une vision claire de son avenir au-delà du pétrole. Sans cela, les rapports se succéderont, les aides se disperseront, et la population continuera de sombrer dans l’exclusion économique et le désespoir, malgré les milliards théoriquement mobilisés pour son redressement.