Le sommet du G20 organisé ce week-end à Johannesburg devait être un moment historique : la première édition jamais accueillie sur le continent africain. Il s’est finalement clos dimanche dans une atmosphère de tension diplomatique, marquée par l’absence remarquée des États-Unis et une passe d’armes politique qui a éclipsé une grande partie des débats.
Dès l’ouverture, l’Afrique du Sud avait surpris en publiant la déclaration des dirigeants avant même le début des négociations. Une rupture volontaire avec la tradition, conçue comme un geste d’affirmation du leadership africain au sein d’un groupe longtemps dominé par les grandes puissances économiques. Mais ce choix a immédiatement suscité l’opposition de Washington, qui a dénoncé un agenda trop centré sur le changement climatique, les inégalités de richesses et la nécessité de rééquilibrer la gouvernance économique mondiale — des priorités défendues avec force par Pretoria.
L’Argentine s’est jointe à cette contestation, son président Javier Milei ayant lui aussi boycotté le sommet. Proche de Donald Trump, il a aligné sa position sur celle de Washington. De fait, les États-Unis n’ont pas envoyé de délégation de haut niveau, invoquant des accusations de persécution envers la minorité blanche afrikaner en Afrique du Sud, un argument largement contesté par Pretoria qui y voit une instrumentalisation politique.
Malgré ces tensions, Cyril Ramaphosa a clos les travaux par un discours très symbolique. Il a rappelé la nécessité de « mettre fin aux conflits », de « lutter contre la pauvreté sous toutes ses formes » et de « prendre des mesures urgentes contre le changement climatique ». Puis, fidèle au protocole, il a procédé à la passation de la présidence du G20… en déposant le marteau devant une chaise vide, symbole de l’absence américaine. Pretoria avait en effet refusé qu’un simple diplomate de l’ambassade représente Washington, considérant cela comme un affront au rang du sommet. Les États-Unis, qui doivent présider le G20 en 2026, prévoient d’organiser leur sommet dans le club de golf de Donald Trump, à Doral, en Floride — autre signe d’une diplomatie désormais très personnalisée.
Cette confrontation intervient à un moment où le G20 traverse une recomposition profonde. Créé en 1999 après les grandes crises financières des années 1990, le groupe était initialement pensé comme un forum technique de coordination économique. Sa montée en puissance s’est accélérée après la crise de 2008, lorsque les chefs d’État ont commencé à se réunir régulièrement pour éviter un effondrement du système financier mondial. Aujourd’hui, le G20 représente 85 % du PIB mondial et constitue l’un des rares espaces où économies avancées et pays émergents débattent à égalité.
Mais le sommet de Johannesburg illustre à quel point la dynamique a changé. L’Afrique du Sud a cherché à imposer une vision plus inclusive de la gouvernance mondiale, articulée autour du climat, de la réduction des inégalités et de la paix. Les États-Unis, eux, ont affiché une posture de rejet, reflétant une diplomatie américaine de plus en plus imprévisible sous l’ère Trump. Ce premier G20 en Afrique devait consacrer une nouvelle ère de dialogue multilatéral ; il aura surtout révélé la fragmentation croissante du système international, où les grandes puissances contestent désormais ouvertement le cadre qu’elles avaient elles-mêmes contribué à bâtir.