Encore une fois, les célébrations d’Achoura ont viré au cauchemar dans plusieurs villes marocaines. Dans la nuit du samedi 5 juillet 2025, le quartier Sidi Moussa à Salé a été le théâtre d’un véritable déchaînement de violence urbaine : des feux allumés dans les rues, des pétards retentissants, et même des bonbonnes de gaz explosées, plongeant les habitants dans la stupeur et l’angoisse. Ce qui devait être une fête populaire s’est mué en scène de chaos.
Il ne s’agit plus d’un incident isolé, mais d’un rituel annuel dévoyé. Chaque année, la même inquiétude revient : au lieu d’un moment de joie collective, Achoura devient une nuit de peur, dominée par des comportements qui s’apparentent à des affrontements de rue. Des enfants et adolescents, souvent livrés à eux-mêmes, se livrent à des actes dangereux, sans conscience des risques encourus, dans une atmosphère d’impunité tolérée par la société et les institutions.
Les rites traditionnels d’Achoura — naguère empreints d’innocence et de convivialité — ont été supplantés par des pratiques agressives et incontrôlées. Les pétards utilisés aujourd’hui ne sont plus de simples jouets bruyants : ce sont de véritables engins explosifs, introduits dans le pays sans contrôle, menaçant aussi bien les vies humaines que les biens matériels.
Les images partagées sur les réseaux sociaux après ces événements ont provoqué une onde d’indignation. Elles témoignent d’un profond sentiment d’abandon face à l’incapacité des autorités à endiguer ce phénomène. Les appels à une intervention sérieuse et à des mesures drastiques se multiplient, dénonçant le caractère inefficace des opérations policières ponctuelles, incapables de traiter le mal à la racine.
Car derrière cette anarchie apparente se cachent des responsabilités multiples : démission du rôle parental, absence de sanctions dissuasives, carences criantes dans l’éducation civique, et surtout manque d’espaces encadrés pour canaliser l’énergie des jeunes. Ces défaillances cumulées laissent le champ libre à une répétition désolante des mêmes scènes d’année en année.
Il est urgent de ne pas se contenter d’interdire l’importation de pétards ou d’envoyer quelques patrouilles en renfort. Il faut repenser en profondeur notre rapport aux fêtes religieuses et culturelles, redonner du sens à ces moments de rassemblement, et inculquer à la jeunesse une nouvelle éthique de la célébration : joyeuse mais responsable. Car le vrai danger n’est plus dans les flammes qui embrasent nos rues, mais dans la désintégration silencieuse des valeurs communes. Combien de drames faudra-t-il encore avant de réagir ?