Parlement désert, justice en suspens : un vote fantôme sur une loi cruciale

À croire que l’été commence plus tôt sous la coupole du Parlement. Ce mardi 22 juillet 2025, un épisode surréaliste a éclaboussé l’image déjà vacillante de l’institution législative marocaine : 333 députés sur 395 ont brillé par leur absence lors du vote d’un texte majeur, le projet de réforme du Code de procédure pénale. Une hémorragie de présence qui, au-delà de l’indécence politique, révèle un malaise plus profond : celui d’une représentation nationale vidée de sa substance.

Ce texte, pierre angulaire de l’édifice judiciaire marocain, touche au cœur des libertés individuelles et de la régulation des pouvoirs de l’État face aux citoyens. Il méritait débat, confrontation d’idées, engagement. Il n’a eu droit qu’au silence assourdissant des sièges vides. Seul contre l’indifférence, le ministre de la Justice a livré son plaidoyer devant une salle quasi vide, métaphore saisissante d’une démocratie parlementaire en veille prolongée.

L’absence n’est pas ici l’accident d’un agenda chargé ou d’un malaise passager. Elle est massive, systémique, institutionnalisée : 85 % des députés ont manqué à l’appel. Un pourcentage qui ne relève plus du dysfonctionnement ponctuel mais du désengagement assumé. Que vaut le suffrage universel si ceux qui en tirent mandat n’en assument pas la charge ? À quoi sert une Chambre censée incarner la volonté populaire, si elle tourne le dos aux lois qui structurent le vivre-ensemble ?

Ce n’est pas seulement un déficit de présence, c’est un naufrage de la responsabilité. Dans un pays où l’absence parlementaire ne coûte ni image, ni salaire, ni avenir politique, la désertion devient une norme tranquille. Les indemnités tombent, les comptes-rendus s’écrivent, mais le débat meurt faute de combattants. L’hémicycle devient un décor creux, habité de noms sans visages, d’élus devenus ombres.

Et pendant ce temps, la confiance s’effrite. Car que doit penser le citoyen lorsqu’il découvre que ceux qui prétendent parler en son nom fuient les lieux mêmes où sa destinée se joue ? Comment croire encore à la force de la loi, lorsque ceux qui la votent l’abandonnent au moment décisif ? Le Parlement, en cette journée de juillet, n’a pas simplement raté un vote : il a raté un rendez-vous avec l’histoire, avec la justice, avec le peuple.

Sans réforme de fond — qu’il s’agisse de conditionner les indemnités à la présence, de publier les taux d’absentéisme, ou de sanctionner moralement les déserteurs — le Parlement restera ce qu’il tend à devenir : un théâtre d’absents, un organe désincarné, une démocratie d’apparat. Et la justice, en attente, continuera de patienter… bien plus que de raison.

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