Niger–Orano : un bras de fer géopolitique autour d’un uranium devenu stratégique

Le conflit entre Niamey et Orano s’est nettement durci ces derniers mois, transformant un différend commercial en un affrontement politique et géopolitique majeur. Le groupe français, détenu à plus de 90 % par l’État, a lancé plusieurs procédures d’arbitrage international contre les autorités nigériennes depuis la rupture des relations bilatérales consécutive au changement de régime. Fin septembre, Orano a annoncé qu’un tribunal arbitral s’était prononcé en sa faveur concernant la Somaïr, l’une des principales mines d’uranium du pays, où l’entreprise exploitait historiquement une partie essentielle de son approvisionnement stratégique.

Selon l’industriel français, la décision ordonne au Niger de ne pas vendre l’uranium extrait par la Somaïr, un stock d’environ 1 300 tonnes de concentré, valorisé autour de 250 millions d’euros. Pour Orano, ce minerai appartient contractuellement aux sociétés conjointes et ne peut être exporté ou cédé sans accord préalable. Mais le gouvernement nigérien, engagé dans une politique de rupture avec ses anciens partenaires occidentaux, conteste l’emprise juridique de l’entreprise française et estime être en droit de disposer de ses ressources naturelles comme il l’entend. Ce désaccord, à la fois technique et politique, se situe au cœur du bras de fer actuel.

Ces derniers jours, la tension est montée d’un cran après des révélations du média LSI Africa et du collectif ouest-africain Wamaps. Selon leurs informations, un convoi chargé d’environ 1 000 tonnes d’uranium aurait quitté la ville d’Arlit, dans le nord du Niger, pour rejoindre le port de Lomé au Togo en transitant par le Burkina Faso. Si Niamey n’a pas confirmé officiellement cette opération, elle s’inscrit dans la nouvelle stratégie du pouvoir nigérien visant à diversifier ses partenaires et à s’affranchir de ce qu’il considère comme un contrôle excessif de l’État français et de ses entreprises. Une telle exportation constituerait un défi direct à l’injonction arbitrale obtenue par Orano.

Au-delà de ce convoi supposé, c’est toute la question de l’avenir de l’uranium nigérien qui se joue. Le Niger fournit 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel, un niveau qui, malgré sa modestie relative, demeure stratégique pour plusieurs pays dépendants du nucléaire civil, dont la France. La recomposition des alliances au Sahel, la volonté de Niamey de réaffirmer sa souveraineté économique et les tensions croissantes avec les partenaires européens redessinent ainsi le paysage énergétique régional. Le bras de fer entre Orano et le Niger dépasse désormais le simple cadre contractuel : il symbolise la lutte pour le contrôle des ressources dans un Sahel en pleine reconfiguration.

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