Dans le paysage souvent austère des responsables politiques africains, Matia Kasaija détonne. Le ministre ougandais des Finances, 79 ans, est devenu une véritable star des réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où ses interventions, ses mimiques et son humour pince-sans-rire suscitent des millions de vues. Loin des discours technocratiques, il offre une image singulière d’un dirigeant à la fois facétieux, charismatique et étonnamment accessible — un mélange qui fait de lui l’un des ministres les plus célèbres du continent.
Ce n’est pas un hasard si ses apparitions sont souvent reprises avec enthousiasme par les jeunes Ougandais. Dans un pays où la majorité de la population a moins de 30 ans, le langage politique classique ne passe plus. Kasaija, avec son style franc, ses éclats de rire imprévus, et ses remarques parfois déconcertantes, réussit à capter une attention que bien d’autres ministres peinent à obtenir. Les plateformes numériques ont transformé son image : d’un haut fonctionnaire discret, il est devenu une figure de la pop culture politique africaine.
Mais derrière cette aura comique se cache un homme au parcours sérieux. En poste depuis 2015 à la tête du ministère des Finances, Matia Kasaija est un technocrate chevronné, formé au Royaume-Uni, et impliqué dans les politiques économiques ougandaises depuis les années 1980. Il est à la manœuvre sur les questions de dette, d’inflation et de réforme fiscale dans un pays en pleine mutation. Sa popularité en ligne, loin d’être un simple effet de mode, renforce paradoxalement sa crédibilité auprès d’un électorat jeune et informé, curieux de comprendre les enjeux économiques du pays.
Ce double visage — celui du ministre compétent et de la personnalité virale — intrigue autant qu’il séduit. Kasaija semble avoir compris, mieux que beaucoup de ses homologues, la nécessité de parler une langue que les jeunes comprennent. Loin de fuir les questions qui fâchent, il les aborde avec un humour parfois provocateur, transformant les moments de tension en séquences virales, sans pour autant perdre le fil des enjeux budgétaires cruciaux pour l’Ouganda.
Dans une Afrique en pleine transition démographique et numérique, Matia Kasaija incarne une forme rare de synthèse entre gouvernance classique et communication 2.0. Il prouve qu’on peut être aux commandes d’un ministère stratégique tout en étant une star de TikTok. Si l’humour n’efface pas les défis économiques du pays, il en devient un outil inattendu de pédagogie et d’engagement citoyen. Et dans ce domaine, le doyen ougandais semble avoir encore quelques leçons à donner.
