L’été de la honte ou l’été du sursaut ?

Il suffit d’un trajet en voiture, d’une file d’attente dans une administration ou d’un simple après-midi sur la plage pour voir notre société à nu. Cris, insultes, agressivité gratuite, irrespect total de l’espace commun. Partout, le même constat brutal : l’incivisme est devenu la règle, pas l’exception. Dans cette chaleur étouffante, les masques tombent, et avec eux, le vernis fragile de notre vivre-ensemble. Les plages deviennent des décharges, les routes des champs de bataille, les administrations des arènes où chacun défend son tour comme on mène une guerre. Ce n’est plus une impression passagère : c’est un mal enraciné.

Ce qui dérange le plus, c’est le contraste. Ce même peuple, réputé pour sa chaleur humaine, sa solidarité légendaire à l’étranger, devient chez lui méfiant, agressif, parfois méprisant envers ses propres concitoyens. À Paris, Bruxelles ou Montréal, le Marocain est solidaire, respectueux, admirable d’entraide. Mais de retour au pays, c’est le règne du chacun pour soi. Pourquoi ce double visage ? Est-ce la peur du regard étranger qui nous redresse la colonne ? Ou l’absence d’un cadre ferme et d’exemples vertueux ici qui nous autorise à nous comporter comme si rien n’avait d’importance ?

Soyons clairs : nous sommes face à un cancer social. L’incivisme n’est pas un détail, c’est un révélateur. Il dit tout de notre rapport au pays, aux autres, à nous-mêmes. Il révèle une société qui a perdu confiance dans les règles, dans l’autorité, dans le respect mutuel. Une société où l’on idolâtre la ruse et méprise la règle. Où la vulgarité est confondue avec la liberté. Tant que l’impunité domine, tant que les mauvais comportements sont tolérés, voire banalisés, ce mal continuera de ronger notre lien social.

Mais il n’est pas trop tard. Le sursaut est possible. Cela suppose un choc. Une prise de conscience collective. L’État doit prendre sa part, mais le vrai changement viendra d’en bas : des familles, des écoles, des mosquées, des artistes, des jeunes… Une grande campagne de civisme, oui. Mais surtout, une exigence de chaque instant : dans les gestes simples, les mots, les regards. Il faut des modèles, des règles, des sanctions. Et il faut aussi des raisons d’aimer ce pays autrement qu’en le salissant.

Nous sommes à la croisée des chemins. Allons-nous continuer à nous supporter les uns les autres avec colère, ou réapprendre à vivre ensemble avec respect ? Il ne s’agit pas de morale, mais de survie collective. Cet été peut être celui du chaos… ou celui du réveil. Il ne tient qu’à nous de choisir.

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