L’enjeu du transport interafricain : frein ou levier pour le développement du continent ?

Le transport interafricain reste l’un des talons d’Achille du développement du continent. Malgré l’essor démographique, l’émergence de nouvelles classes moyennes et l’intensification des échanges commerciaux, les réseaux de transport entre les pays africains demeurent insuffisants, discontinus et souvent dysfonctionnels. Routes délabrées, voies ferroviaires obsolètes, liaisons aériennes coûteuses et maritimes peu développées entravent la mobilité des personnes, des biens et des idées.

L’un des paradoxes les plus criants réside dans la faible intégration physique entre les pays africains. Il est parfois plus rapide et moins cher de voyager de Dakar à Paris que de Dakar à Bamako. De nombreuses capitales africaines ne sont pas directement connectées par des vols ou des routes fonctionnelles. Ce déficit d’infrastructures a un coût économique massif, estimé à plusieurs points de croissance perdus chaque année pour le continent, selon la Banque africaine de développement.

Au-delà du transport des marchandises, c’est toute la dynamique d’intégration régionale qui est freinée. L’essor d’accords tels que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ne pourra pleinement produire ses effets sans une amélioration radicale des infrastructures de transport. Or, le potentiel est immense : un réseau logistique cohérent favoriserait le commerce intra-africain, aujourd’hui encore marginal (environ 15 % du commerce total du continent), contre plus de 60 % en Europe.

Certaines initiatives sont toutefois porteuses d’espoir. Des corridors comme celui de Maputo ou de Lagos-Abidjan, ou encore la Transsaharienne reliant Alger à Lagos, visent à améliorer la connectivité régionale. Des pays comme le Maroc, l’Éthiopie ou le Kenya investissent massivement dans les hubs logistiques, les ports et les aéroports. Mais ces efforts restent inégalement répartis et peinent à s’inscrire dans une vision panafricaine cohérente.

Le développement du transport interafricain n’est pas seulement un impératif économique : c’est aussi un enjeu de souveraineté, d’émancipation et d’unité continentale. Dans un monde en mutation rapide, où les dépendances extérieures montrent leurs limites, bâtir un réseau de transport africain, par et pour les Africains, est plus qu’un rêve : c’est une nécessité stratégique. Le XXIe siècle africain passera par l’asphalte, les rails, les airs et les mers… ou il passera à côté de lui-même.

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