À Malabo, un procès hors normes secoue les plus hautes sphères du pouvoir. Baltasar Ebang Engonga, surnommé “Bello”, ancien directeur de l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF) et neveu du président Teodoro Obiang Nguema, comparaît depuis le 30 juin pour détournement de fonds publics, enrichissement illicite et abus de fonction. Le parquet a requis une peine globale de 18 ans de prison à son encontre, assortie d’une amende de 910 millions de francs CFA, soit environ 1,4 million d’euros. Le tribunal a également été invité à prononcer une interdiction d’exercer toute fonction publique.
Derrière ce procès très médiatisé, les charges sont lourdes. L’accusation reproche à Baltasar d’avoir mis en place un système structuré de corruption, détournant d’importantes sommes d’argent public vers des circuits privés et des comptes à l’étranger, notamment à travers des sociétés écran. Ces pratiques, selon les procureurs, se seraient déroulées sur plusieurs années, à l’abri des regards grâce à son rang familial et sa proximité avec les cercles dirigeants. La défense dénonce, de son côté, un procès politique visant à écarter un acteur influent du paysage institutionnel.
Ce n’est pas la première fois que “Bello” défraie la chronique. Fin 2024, une affaire de mœurs avait déjà éclaboussé sa carrière : plus de 400 vidéos privées, tournées dans son bureau officiel avec des femmes gravitant autour du pouvoir, avaient été divulguées sur les réseaux sociaux, provoquant une onde de choc dans le pays. Cet épisode avait entraîné sa révocation de l’ANIF et nourri les soupçons d’une guerre interne au sein du clan présidentiel.
Issu d’une famille puissante – il est le fils de Baltasar Engonga Edjo’o, ancien ministre et actuel président de la Commission de la CEMAC –, Baltasar Ebang Engonga incarne une génération de cadres équato-guinéens à la fois formés, connectés et profondément enracinés dans les structures de l’État. Son arrestation, suivie aujourd’hui par une comparution très attendue, cristallise les tensions croissantes au sein d’un régime longtemps opaque.
En détention préventive à la prison de Black Beach, l’accusé continue de clamer son innocence. Sa défense entend démontrer l’absence de preuves directes et pointe les “interprétations excessives” des documents financiers présentés. Le verdict est attendu d’ici la fin du mois de juillet. S’il est reconnu coupable, ce procès pourrait bien marquer une inflexion dans la gestion de la corruption au sommet de l’État équato-guinéen. Mais pour beaucoup, il ne s’agit encore que d’un règlement de comptes politique maquillé en opération judiciaire.