Le 18 novembre 2025, à Libreville, le Gabon a rendu l’un des verdicts judiciaires les plus importants de son histoire récente dans l’affaire dite de la “Young Team”, un vaste dossier de détournements de fonds publics et de corruption impliquant des proches de l’ancien président Ali Bongo Ondimba. Après six jours d’audience, la Cour criminelle spéciale a condamné neuf anciens collaborateurs du régime à des peines allant de deux à quinze ans de prison, assorties pour certains de lourdes amendes et de confiscations massives de biens.
Ce verdict intervient dans un contexte déjà marqué par la condamnation, par contumace, de l’ancienne première dame Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Nourredin Bongo Valentin, ancien coordinateur général des affaires présidentielles. Tous deux ont été condamnés à vingt ans de réclusion criminelle pour avoir orchestré, durant les quatorze années de pouvoir d’Ali Bongo (2009–2023), un système de détournements estimé à près de 4 917 milliards de francs CFA, soit environ 7,5 milliards d’euros. Cet argent aurait servi à l’acquisition de champs pétroliers, d’avions Boeing et de nombreux biens immobiliers au Gabon, au Maroc, à Londres et à Dubaï.
Parmi les condamnés les plus sévèrement sanctionnés figurent Ian Ghislain Ngoulou, ancien chef de cabinet de Nourredin Bongo, Mohamed Ali Saliou, ancien directeur de cabinet adjoint de la présidence, et Abdoul Oceni Ossa, collaborateur influent au sein du cercle présidentiel. Tous trois ont écopé de quinze ans de réclusion criminelle, dont cinq avec sursis, assortis de 10 millions de francs CFA d’amende. Ils devront également rembourser des montants considérables : 6,4 milliards de francs CFA pour Abdoul Oceni Ossa, 5,2 milliards pour Mohamed Ali Saliou et 1,2 milliard pour Ian Ghislain Ngoulou.
D’autres anciens acteurs du réseau ont été sanctionnés. Jessye Ella Ekogha, ancienne porte-parole de la présidence, a été condamnée à dix ans de prison, dont sept avec sursis. Kim Oun, ancien directeur général des Impôts et collaborateur proche de Sylvia Bongo, a écopé de cinq ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis. Deux prévenus, Tyriak Van Jami et Giselle Yoland Mombo, ont été condamnés à vingt-six mois de prison et à une amende de cinq millions de francs CFA. Jordane Camusé, présenté comme manipulé par Nourredin Bongo, a été condamné à trois ans de prison avec sursis.
La Cour a néanmoins prononcé l’acquittement de Steeve Nzegho Dieko, ancien secrétaire général du Parti Démocratique Gabonais (PDG), relaxé de toutes les charges et libéré immédiatement.
Au-delà des peines d’emprisonnement, la justice gabonaise a ordonné la confiscation d’un patrimoine considérable, comprenant des villas et immeubles de luxe, des appartements à Dubaï, des terrains au Gabon et au Bénin, ainsi qu’une flotte de véhicules haut de gamme, dont des Mercedes Brabus, des Land Cruiser V8 et des Jeep. Des montres de collection d’une valeur estimée à plus d’1,4 milliard de francs CFA ont également été saisies. Tous les comptes bancaires gelés pendant l’enquête, à l’exception de ceux des acquittés, sont désormais confisqués au profit de l’État.
Ce procès, très suivi dans le pays, a mis en lumière ce que le procureur décrit comme un ‘‘système organisé’’, dans lequel chaque membre du clan Bongo ‘‘jouait un rôle précis pour cacher les secrets du palais et enrichir les proches du pouvoir au détriment des Gabonais’’. Les condamnés disposent de cinq jours pour se pourvoir en cassation.