Un dramatique éboulement survenu samedi 15 novembre dans la mine de Kalando, dans la province de Lualaba, a fait au moins trente-deux morts selon le bilan officiel, tandis que d’autres sources évoquent jusqu’à quarante-neuf victimes. L’accident a été provoqué par l’effondrement d’un pont de fortune reliant deux zones d’extraction au sein du site. Cet ouvrage, construit de manière improvisée au-dessus d’une tranchée inondée, aurait cédé sous le poids d’une foule de mineurs artisanaux fuyant une intervention des forces de sécurité.
D’après les premières déclarations du ministre provincial de l’Intérieur, Roy Kaumba Mayonde, l’accès au site avait pourtant été interdit en raison de fortes pluies et de risques de glissements de terrain. Malgré l’interdiction, des mineurs illégaux – souvent appelés « creuseurs » – auraient continué à s’introduire dans la concession industrielle, un phénomène devenu courant dans les mines du sud-est congolais. Selon un rapport préliminaire, des tirs de sommation effectués par des militaires pour disperser les mineurs auraient déclenché un mouvement de panique, entraînant un afflux massif sur le pont. La structure, déjà fragilisée par les intempéries, s’est alors effondrée, entraînant plusieurs dizaines de personnes dans la tranchée.
Cet accident révèle une nouvelle fois les contradictions profondes du secteur minier congolais. La mine de Kalando se trouve dans une zone où coexistent exploitation industrielle, encadrée par des concessions légales, et exploitation artisanale pratiquée par des milliers de jeunes cherchant une source de revenus immédiate. Au total, plus de dix mille mineurs artisanaux occupaient régulièrement les abords de la zone selon la commission provinciale des droits humains. Le secteur du cobalt, vital pour l’industrie mondiale du véhicule électrique, exerce une pression économique considérable, entraînant des conflits d’accès, des activités illégales et une mise en danger systémique des ouvriers.
La République démocratique du Congo joue un rôle déterminant dans la chaîne mondiale du cobalt. Le pays fournit près de 70 % de la production mondiale de ce métal stratégique, indispensable aux batteries lithium-ion utilisées dans les voitures électriques, les ordinateurs et les smartphones. Cette position dominante attire les investisseurs internationaux, mais expose également les failles d’un système où la sécurité reste trop souvent secondaire. Les ONG rappellent depuis des années que la prolifération de puits artisanaux, combinée à l’absence d’équipements de sécurité et au manque d’encadrement institutionnel, crée des situations potentiellement mortelles.
À court terme, les autorités provinciales ont suspendu toutes les activités artisanales dans la zone de Kalando. Des enquêtes ont été ouvertes pour déterminer les responsabilités de l’incident, notamment le rôle de l’opérateur industriel, celui des autorités locales et celui des unités militaires présentes sur place. Certaines organisations internationales alertent déjà sur les possibles conséquences économiques : une intensification des contrôles pourrait perturber les flux de cobalt, entraînant un renforcement des exigences de traçabilité pour les constructeurs automobiles et les fabricants de batteries qui s’approvisionnent en RDC.
Le drame pose également la question de l’encadrement social des mineurs artisanaux. Beaucoup d’entre eux travaillent dans ces zones à haut risque parce qu’il s’agit de leur seule source de revenus. En l’absence de politique d’intégration claire, l’exploitation artisanale continue de coexister avec l’exploitation industrielle dans des conditions souvent chaotiques.
La RDC parviendra-t-elle à concilier sécurité, légalité et performance économique dans le secteur stratégique du cobalt, ou cet accident tragique ne sera-t-il qu’un épisode de plus révélant l’incapacité du système actuel à protéger les travailleurs tout en sécurisant une production essentielle au marché mondial ?