Le corridor routier entre Dakar et Bamako, poumon économique du Mali enclavé, fait face à une crise sans précédent. Depuis début septembre, les jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda) imposent un « blocus » dans l’ouest du Mali, coupant les routes commerciales vers le Sénégal. Ils visent en particulier les flux de carburant en provenance du port de Dakar, menaçant de brûler camions-citernes et chauffeurs. En réaction, les transporteurs sénégalais et maliens ont suspendu leurs liaisons, paralysant l’approvisionnement de Bamako en produits essentiels. Or plus de 70% des importations maliennes transitent traditionnellement par ce corridor stratégique.
Les effets économiques et humanitaires sont immédiats. Le Mali dépend fortement de ce couloir pour le ravitaillement en vivres, carburants et matériaux, et sa perturbation aggrave l’insécurité alimentaire dans un pays déjà fragile. Chaque jour de blocage se traduit par des pertes pour Dakar également : on estime à 800 milliards de francs CFA la valeur annuelle des échanges sur cet axe, essentiels aux recettes douanières sénégalaises. Déjà en août, six chauffeurs routiers sénégalais avaient été enlevés par des jihadistes puis libérés, illustrant l’ampleur du risque sécuritaire. Face à l’asphyxie économique orchestrée par le GSIM, les autorités maliennes assurent renforcer la sécurité sur l’axe Bamako-Dakar, avec des escortes militaires signalées courant septembre.
Au-delà de l’urgence sécuritaire, l’enjeu est diplomatique et régional. Le Mali, isolé au sein de la CEDEAO après sa sortie en janvier 2025, peine à mobiliser un soutien extérieur. Le Sénégal, lui, voit sa propre sécurité et son économie menacées par la déstabilisation de la zone frontalière de Kayes. Des voix s’élèvent à Dakar pour une réponse plus proactive, y compris éventuellement sécuriser le corridor au-delà de la frontière. La fermeture de cet axe vital rappelle enfin la nécessité de routes alternatives (via la Mauritanie, la Côte d’Ivoire ou la Guinée), même si aucune n’égale pour l’heure le corridor historique de Dakar.
La crise actuelle souligne les limites de l’intégration régionale face au terrorisme. Malgré leurs efforts, le Sénégal et le Mali, voit leur lien économique fragilisé par un acteur innatendu. Sans un sursaut collectif pour sécuriser durablement ces voies commerciales, le Sahel risque l’asphyxie logistique et la désintégration des échanges.
Le corridor Dakar–Bamako pourra-t-il être sauvé de l’étau jihadiste et redevenir ce pont vital entre océans Atlantique et Sahara, ou glissera-t-il dans une paralysie durable qui isolera davantage le Mali et ses voisins ?