La libération de Boualem Sansal, intervenue le 12 novembre 2025 à la faveur d’une grâce présidentielle, a marqué un tournant dans une affaire qui avait suscité une forte mobilisation internationale. Condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » et « intelligence avec des parties étrangères », l’écrivain avait passé douze mois derrière les barreaux avant de retrouver la liberté, à la suite de tractations diplomatiques entre Alger, Paris et Berlin. À peine libéré, il a accordé plusieurs entretiens aux médias français, où il est revenu sur son incarcération et le climat politique qui l’a rendue possible.
Sur les plateaux de télévision, Sansal a choisi ses mots avec prudence, rappelant qu’il reste vulnérable malgré sa libération. « Je pèse chaque mot », a-t-il confié, laissant entendre que la liberté d’expression demeure étroitement surveillée dans son pays. Il a toutefois profité de cette tribune pour évoquer un pouvoir politique figé dans une rhétorique héritée des années d’indépendance, estimant que « soixante ans après, l’Algérie recycle encore les discours de la guerre de libération ». Une critique subtile, mais frontale, du système politico-militaire qui domine toujours la vie publique.
Au-delà de son cas personnel, la libération de Sansal révèle les fragilités profondes du fonctionnement institutionnel algérien. Son procès, qualifié par de nombreux observateurs de « fantôme » tant les éléments d’accusation étaient fragiles, illustre la capacité du régime à instrumentaliser la justice pour neutraliser les voix indépendantes. Le recours récurrent à des chefs d’inculpation tels que « atteinte à la sécurité de l’État » ou « diffusion d’informations sensibles » s’inscrit dans une longue tradition de répression visant écrivains, journalistes, militants et opposants.
Cette affaire a également mis en lumière la dimension internationale de la question des libertés en Algérie. Les interventions diplomatiques successives, l’implication d’organisations de défense des droits humains et la médiatisation des conditions de détention de Sansal montrent à quel point la répression intérieure finit par affecter la crédibilité du pays sur la scène mondiale. Ce caractère transnational renforce l’idée d’un système politique de plus en plus isolé, peinant à justifier ses décisions face aux standards internationaux de justice et de gouvernance.
Pour Boualem Sansal, cette libération est à la fois une délivrance personnelle et un symbole puissant. En évoquant publiquement les pressions, les censures et la peur qui pèsent sur les créateurs et intellectuels algériens, il remet au centre du débat la question essentielle du pluralisme dans un pays encore verrouillé par un appareil d’État autoritaire. Ses prises de parole constituent ainsi un rappel que la bataille pour la liberté d’expression en Algérie n’est ni close ni silencieuse, mais portée par des voix qui refusent de disparaître.