Au Nigeria, la faillite sécuritaire menace tout un continent

L’attaque contre l’internat catholique St Mary, à Papiri, n’est pas seulement une tragédie nationale : elle révèle un mal profond qui mine durablement une partie du continent africain. Deux semaines après l’enlèvement de plus de 300 élèves et d’une douzaine de membres du personnel, aucun contact n’a été établi avec les ravisseurs. Cinquante enfants seulement ont réussi à s’échapper. Le silence qui entoure la captivité, dans un établissement dépourvu de protection réelle, souligne les défaillances d’un État dépassé par la multiplicité des groupes armés qui imposent leurs lois dans de vastes zones rurales.

Le Nigeria, première puissance démographique et économique d’Afrique, traverse aujourd’hui une crise sécuritaire d’une ampleur inédite. Malgré l’état d’urgence décrété par le président Bola Tinubu et la promesse de recruter des milliers de militaires et policiers, les familles dénoncent une réponse lente, confuse et souvent inefficace. Les autorités locales elles-mêmes ont semblé dépassées, allant jusqu’à contester le nombre de disparus avant de revenir sur leurs déclarations. Cette incertitude administrative, qui s’ajoute à la douleur des proches, renforce l’impression d’un appareil étatique fragmenté et incapable d’assurer la protection de sa jeunesse.

Depuis dix ans, le Nigeria est devenu l’épicentre d’une économie criminelle de l’enlèvement qui prospère sur l’absence de l’État. Plus de 1 800 élèves ont été kidnappés depuis l’affaire de Chibok en 2014, dans des opérations mêlant extorsion, propagande et contrôle territorial. Le mouvement #BringBackOurGirls parle désormais d’une défaillance systémique. Amnesty International alerte également sur l’impact éducatif catastrophique de cette spirale : plus de 20 500 écoles auraient fermé dans le nord depuis l’attaque de St Mary, aggravant la situation d’un pays où près de 20 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. L’insécurité déscolarisante est devenue un moteur direct du sous-développement.

Au-delà du Nigeria, cette crise illustre une dynamique régionale préoccupante. Dans plusieurs zones d’Afrique, du Sahel au bassin du lac Tchad, des groupes armés exploitent la pauvreté, les tensions communautaires et la faiblesse institutionnelle pour étendre leur emprise. Lorsque le géant nigérian vacille, c’est l’équilibre de toute la région qui se trouve fragilisé. Le drame de Papiri marque ainsi un tournant : tant que les États ne reprendront pas le contrôle effectif de leurs territoires et ne placeront pas la sécurité des civils au centre de leurs priorités, l’avenir des jeunes Africains restera vulnérable et le développement continental continuellement entravé.

Total
0
Shares
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Previous Post

À Paris, le trophée de la CAN brille sous les projecteurs et réveille la fierté africaine

Next Post

Washington scelle enfin un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, malgré les combats persistants à l’Est 

Related Posts