Le Cameroun peine encore à se relever de la crise postélectorale qui a suivi l’élection présidentielle du 12 octobre dernier. Selon les chiffres officiels communiqués mercredi par le ministre de l’Administration territoriale, les violences ont fait 16 morts et conduit à l’arrestation de plus de 800 personnes. Ces données, très attendues après plusieurs jours d’accalmie relative dans les grandes villes, contrastent avec les déclarations initiales du ministre de la Communication qui évoquait, le 6 novembre, « plusieurs dizaines de morts » et promettait des enquêtes approfondies.
Face à l’absence de chiffres consensuels, les bilans divergent. L’opposant Issa Tchiroma Bakary, qui revendique sa victoire à l’élection, affirme que 55 personnes ont été tuées lors des manifestations. Plusieurs organisations non gouvernementales estiment quant à elles qu’au moins une quarantaine de manifestants ont perdu la vie et que des milliers d’arrestations ont été effectuées au plus fort des tensions. Cette bataille des chiffres reflète l’opacité entourant la gestion de la crise et la méfiance grandissante entre les acteurs politiques et la société civile.
Dans un rapport publié cette semaine, Human Rights Watch a mis en lumière des exactions commises par les forces de sécurité après le scrutin. L’ONG affirme que la police et la gendarmerie ont fait usage d’une force létale contre des manifestants souvent désarmés, tout en procédant à des arrestations massives. Elle dénonce également des restrictions sévères à la liberté d’expression, de réunion et d’association au cours des mois précédant l’élection remportée officiellement par Paul Biya avec 53 % des voix. HRW appelle les autorités camerounaises à ouvrir des enquêtes indépendantes, à mettre fin aux abus et à identifier les responsables.
Issa Tchiroma Bakary, principal opposant et figure centrale des contestations, continue de rejeter les résultats proclamés et revendique sa propre victoire. Il exige la libération immédiate des détenus politiques arrêtés lors des manifestations, un ultimatum désormais expiré. Alors que le gouvernement appelle à l’apaisement, le pays reste suspendu entre méfiance politique, demandes de justice et colère populaire, dans un climat où la stabilité demeure fragile et les perspectives de dialogue incertaines.