L’Arabie saoudite accélère sa transformation en hub logistique mondial dans le cadre de Vision 2030. Ces dernières semaines, Riyad multiplie les annonces d’investissements et de réformes pour diversifier son économie au-delà du pétrole. Le Plan national de transport et logistique prévoit d’étendre le réseau ferroviaire de 3 650 à 8 000 km et de développer le fret multimodal. Des milliards de dollars sont injectés dans les ports : plus de 25 milliards de riyals (6,7 Mds $) ont été investis dans le secteur maritime. Les ports de Jeddah et King Abdullah s’agrandissent pour augmenter la capacité conteneurs, l’objectif national étant de traiter 40 millions de conteneurs par an d’ici 2030, contre 8 millions en 2022. Cette ambition s’accompagne d’une modernisation réglementaire : de nouvelles zones économiques spéciales offrent exonérations fiscales et procédures douanières simplifiées afin d’attirer les investisseurs étrangers. Quatre zones franches majeures (à KAEC près de Djeddah, Ras Al Khair, Jazan et un cloud hub à Riyad) ont été lancées en 2023, avec déjà plus de 2 milliards $ d’engagements d’IDE et une contribution espérée de 18,6 Mds $ au PIB à l’horizon 2030.
Sur le terrain, les avancées sont concrètes. Le 22 septembre 2025, l’Autorité saoudienne des ports (Mawani) a inauguré sa 30ᵉ nouvelle liaison maritime de l’année – une route directe entre Jeddah et Port-Soudan, renforçant les échanges sur la mer Rouge  . D’autres lignes récentes relient Jeddah à Djibouti, Dubaï, la Chine, voire la Syrie, reflétant la volonté saoudienne de se positionner en carrefour entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe  . Ces efforts portent déjà leurs fruits : la contribution du secteur logistique au PIB saoudien, aujourd’hui ~6%, est visée à 10% en 2030 . Parallèlement, le royaume s’érige en investisseur clé en Afrique : son fonds souverain PIF a organisé en 2024 un sommet dédié à l’investissement en Afrique, et multiplie les prises de participation (ex : 1,8 Md $ injectés en 2025 pour contrôler Olam Agri, un géant agroalimentaire ouest-africain). En matière de logistique pure, l’Arabie saoudite reste en retrait par rapport aux Émirats arabes unis – dont les acteurs comme DP World sont très actifs sur les ports africains – mais elle affiche de nouvelles ambitions : en 2023, Riyad a signé avec Africa Finance Corporation un accord pour cofinancer des infrastructures, et des opérateurs saoudiens envisagent des offres sur des terminaux portuaires stratégiques (ex. Durban).
Au cœur de cette stratégie se trouve la Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salman, qui fait de la logistique un pilier de la diversification. Le Programme national d’industrialisation et de logistique (NIDLP) mobilise 135 Mds SAR (~36 Mds $) sur des centaines de projets pour propulser l’Arabie saoudite dans le top 25 mondial de la performance logistique. Cette transformation s’appuie sur des partenariats public-privé grandissants : la part du privé dans le PIB doit passer de 40 à 65%, et l’État encourage les PPP pour financer routes, rails et entrepôts intelligents. Par ailleurs, le royaume mise sur l’innovation : automatisation des entrepôts (+18% de croissance annuelle prévue) et intégration de l’IA et l’IoT dans la gestion des flux. L’écosystème logistique se digitalise, aligné avec les meilleures pratiques internationales.
Reste la question du positionnement face aux puissances du Golfe et à l’Afrique. L’Arabie saoudite se voit en pont entre trois continents, profitant de sa proximité du canal de Suez et de la Route de la soie maritime. Toutefois, elle entre sur un terrain déjà investi par d’autres : les Émirats dominent de nombreux corridors africains, la Turquie s’est rapprochée de pays stratégiques, et la concurrence pour être la porte d’entrée vers l’Afrique s’intensifie. Riyad devra convaincre avec ses avantages comparatifs (stabilité financière, projets pharaoniques comme NEOM qui intègrent logistique high-tech) tout en rassurant sur sa fiabilité de partenaire. En interne, réussir cette mutation logistique signifie aussi former une main-d’œuvre locale et attirer durablement les opérateurs mondiaux. L’Arabie saoudite parviendra-t-elle à se muer en un hub logistique incontournable d’ici 2030, reliant efficacement l’Orient et l’Afrique tout en assurant sa propre souveraineté économique, ou ses ambitions se heurteront-elles aux réalités concurrentielles du terrain ?