En Afrique, près de 40 % des fruits et légumes disparaissent avant même d’atteindre les consommateurs, selon la FAO. Chaque année, ce gaspillage équivaut à 4 milliards de dollars de pertes – davantage que l’aide publique annuelle versée au secteur agricole. Le coupable est bien identifié : l’absence d’une véritable chaîne du froid.
À Kinale, près de Nairobi, des coopératives testent désormais les camions réfrigérés pour acheminer leurs récoltes. « Nous perdions la moitié de nos légumes. Aujourd’hui, nous en sauvons les deux tiers », explique John Mwangi, maraîcher. Ce projet, soutenu par le PNUE, démontre combien le froid peut transformer la sécurité alimentaire du continent.
D’autres initiatives voient le jour. Au Nigeria, la start-up ColdHubs a développé des chambres froides solaires installées directement sur les marchés. Grâce à elles, la durée de conservation des denrées périssables passe de 2 à 21 jours. Chaque unité permettrait de sauver en moyenne 20 tonnes de produits par an. Le Maroc, déjà doté d’infrastructures performantes pour ses exportations agricoles, ambitionne de transférer ce savoir-faire logistique vers l’Afrique de l’Ouest.
Mais les obstacles restent nombreux. Le manque d’électricité fiable, le coût prohibitif des équipements et la vétusté des routes compliquent la diffusion de ces solutions. Les systèmes hybrides, combinant solaire et diesel, apparaissent comme une alternative réaliste, mais exigent des investissements initiaux considérables. Pour de nombreux petits producteurs, l’accès au financement demeure la barrière la plus difficile à franchir.
Pour les investisseurs, le marché de la chaîne du froid en Afrique est pourtant une promesse d’avenir, stimulée par la montée en puissance de la grande distribution et du e-commerce. Le risque, toutefois, est de voir ces infrastructures se concentrer dans les grandes villes, creusant un peu plus l’écart avec les zones rurales.
La question est désormais cruciale : l’Afrique parviendra-t-elle à démocratiser l’accès au froid pour réduire massivement ses pertes alimentaires, ou bien laissera-t-elle perdurer une fracture logistique qui engloutit chaque année des millions de tonnes de nourriture ?