France–Guinée équatoriale : jusqu’où va la justice, où commence la souveraineté ? 

La décision rendue par la Cour internationale de justice (CIJ) vendredi dernier dans l’affaire opposant la Guinée équatoriale à la France dépasse largement la question d’un hôtel particulier de l’avenue Foch. Elle réactive un vieux dilemme : jusqu’où l’Occident peut-il se poser en garant de la démocratie et de la transparence, et jusqu’où les dirigeants du tiers-monde peuvent-ils revendiquer une autonomie politique et judiciaire au nom de leur souveraineté ? Pour Paris, l’affaire relève d’une lutte légitime contre la corruption ; pour Malabo, elle symbolise une ingérence qui fragilise encore une fois l’équilibre entre Nord et Sud.

Le rejet de la requête équato-guinéenne, prononcé par 13 voix contre 2, apparaît comme une victoire pour la France. Mais il ne s’agit pas seulement d’un litige immobilier : il consacre l’autorité d’un cadre normatif façonné par l’Occident et régulièrement contesté ailleurs. Ce verdict souligne la persistance d’un double langage : quand les pays du Nord invoquent l’universalité des principes démocratiques, beaucoup de pays africains y voient l’imposition d’une vision extérieure qui ignore leurs dynamiques politiques internes.

Dans ce contexte, la notion même de « corruption » devient un terrain de confrontation. Pour les juges occidentaux, elle est un délit universel, qui appelle des sanctions exemplaires. Pour certains dirigeants africains, elle est aussi un instrument de redistribution, un mode de régulation sociale dans des sociétés où l’État reste fragile. Loin de légitimer les abus, cet argument illustre toutefois l’écart entre les normes promues à l’international et les pratiques enracinées localement.

Au-delà du cas du 42 avenue Foch, c’est donc l’équilibre des rapports entre gouvernance mondiale et souveraineté nationale qui est en jeu. L’Occident a-t-il vocation à surveiller, voire sanctionner, les dérives politiques dans les pays du Sud ? Ou appartient-il aux sociétés de ces États de définir elles-mêmes, avec leurs contradictions, leurs propres règles du jeu démocratique ?

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