La Cour suprême du Brésil a frappé un grand coup en condamnant jeudi l’ancien président Jair Bolsonaro à 27 ans et trois mois de prison. Reconnu coupable de tentative de coup d’État après sa défaite électorale face à Luiz Inácio Lula da Silva en 2022, il devient le premier ancien chef d’État brésilien sanctionné pour avoir tenté d’empêcher l’installation d’un gouvernement élu. Assigné à résidence à Brasilia, Bolsonaro nie toute malversation et a annoncé son intention de faire appel, même si ses chances paraissent minces selon plusieurs juristes.
Quatre des cinq juges ont voté en faveur de la culpabilité, retenant cinq chefs d’accusation : complot pour renverser l’ordre démocratique, participation à une organisation criminelle armée, abolition violente de l’État de droit, dégradations violentes et atteintes au patrimoine classé. Le ministère public a présenté des preuves d’un plan visant à assassiner Lula, ainsi que l’existence d’un réseau organisé autour de Bolsonaro. Plusieurs de ses proches collaborateurs ont également été condamnés : le général Braga Netto, ancien ministre de la Défense, à 26 ans de prison ; l’amiral Almir Garnier à 24 ans ; le général Augusto Heleno à 21 ans ; et le général Paulo Sérgio Nogueira à 19 ans. Seul le lieutenant-colonel Mauro Cid, qui a coopéré avec la justice, a écopé d’une peine réduite de deux ans avec sursis.
La décision, qualifiée de « moment décisif de l’histoire du Brésil » par le président de la Cour suprême Luís Roberto Barroso, a immédiatement suscité des réactions contrastées. Au Brésil, la société reste divisée : pour certains, le verdict consacre la victoire de l’État de droit, tandis que d’autres dénoncent une persécution politique. À l’étranger, l’administration Trump s’est montrée particulièrement virulente. Le président Donald Trump a jugé la condamnation « très mécontente » et « injuste », tandis que son secrétaire d’État Marco Rubio a dénoncé une « chasse aux sorcières », assortissant ses propos de menaces de représailles commerciales contre Brasília.
Au sein de la famille Bolsonaro, la réaction ne s’est pas fait attendre. Son fils Flávio a parlé de « persécution suprême », tandis qu’Eduardo a réclamé une amnistie au Congrès. L’ancienne première dame Michelle Bolsonaro, quant à elle, a invoqué « un Dieu dans le ciel qui aime la justice » dans un message sur les réseaux sociaux. Ces soutiens traduisent la volonté du clan de maintenir Bolsonaro comme figure de ralliement de la droite, même si l’ancien président est désormais interdit de candidature jusqu’en 2030. Le choix d’un successeur politique pour défier Lula lors des prochaines élections s’impose comme une priorité.
Pour nombre d’observateurs, la condamnation de Bolsonaro constitue un précédent historique, marquant la première fois qu’un président, des généraux et un ancien ministre de la Défense sont punis pour avoir tenté de saper une démocratie consolidée. « C’est le jour le plus important pour la démocratie brésilienne depuis 1988 », résume le politologue Thomas Traumann. Mais cette victoire judiciaire ne signe pas la fin de l’influence de Jair Bolsonaro : malgré ses revers, il demeure une force politique capable de galvaniser une partie du pays et de maintenir la polarisation à un niveau explosif.