Dans les sociétés arabes, où s’entremêlent traditions profondes, valeurs culturelles ancrées et influences croissantes des médias et des réseaux sociaux, les femmes subissent une pression croissante pour se conformer à des normes esthétiques strictes parfois dangereuses pour leur santé. Ces standards, loin d’être de simples choix personnels, sont le fruit d’accumulations sociales et culturelles qui imposent au corps féminin une image bien définie. Cela engendre une obsession grandissante pour un “corps idéal” et impacte profondément la santé mentale et physique des femmes.
Dans ce contexte, le sociologue Abderrahmane Anbi affirme dans une déclaration à THE PRESS que la montée spectaculaire des opérations esthétiques à risque comme la sleeve gastrique ou la liposuccion ne peut être comprise sans évoquer le carcan social oppressif exercé sur les femmes au nom de la beauté. Selon lui, ces pratiques peuvent s’avérer mortelles, causant parfois des “morts lentes ou soudaines” en raison de la soumission aveugle à des normes corporelles imposées.
Il souligne également que cette obsession pour un corps « rond et séduisant » ne relève pas d’un libre arbitre féminin, mais est façonnée par des moules culturels profondément enracinés, qui perpétuent une vision traditionnelle du corps féminin comme outil de séduction. Les femmes finissent par intérioriser souvent inconsciemment des critères esthétiques rigides, potentiellement destructeurs.
Anbi revient aussi sur les racines culturelles de cette problématique, en évoquant le paradoxe du corps féminin dans la société marocaine : bien que souvent exclu de l’espace public, il reste omniprésent dans l’imaginaire collectif et le patrimoine culturel, où il est souvent associé à la tentation, à la séduction et au plaisir masculin. Ce contraste reflète une vision ambivalente du corps féminin dans la culture traditionnelle, oscillant entre invisibilisation et instrumentalisation.
Le chercheur alerte aussi sur un phénomène préoccupant observé dans les villes d’Agadir et Inzegane, où des jeunes filles et femmes consomment des mélanges dangereux à base d’aliments pour bétail, de produits toxiques et de médicaments comme la cortisone, dans le but de grossir certaines parties de leur corps. Ce marché parallèle, animé en partie par des femmes venues d’Afrique subsaharienne, s’est transformé en véritable commerce de la mort sous couvert de beauté, notamment dans les souks et marchés populaires.
En conclusion, Anbi estime que la femme n’est plus maîtresse de son propre corps, lequel est façonné par des normes sociales et culturelles qui servent davantage les désirs masculins et la domination symbolique que l’épanouissement féminin. Il appelle à une libération du corps féminin de ces contraintes, en remettant l’accent sur des valeurs telles que l’intelligence, l’égalité et la dignité, plutôt que sur l’apparence comme condition d’acceptation.