Le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, a démis de ses fonctions le chef des forces de défense, le général Paul Nang Majok, à peine un an après sa nomination. Ce limogeage inattendu intervient alors que le pays peine à contenir des foyers d’insécurité persistants dans plusieurs régions, sur fond de rivalités ethniques, de violences intercommunautaires et de retard dans la mise en œuvre des accords de paix. Le décret présidentiel, diffusé mardi soir à la télévision d’État, ne donne aucune explication officielle à cette décision.
Pour le remplacer, Salva Kiir a choisi le général Dau Aturjong, figure militaire influente dans le pays, notamment dans l’État du Bahr el-Ghazal. Le général Aturjong est un ancien commandant de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) qui jouit d’un certain respect dans les cercles militaires pour son expérience sur le terrain et sa loyauté vis-à-vis du président. Ce retour en grâce intervient dans un moment critique, alors que Juba tente de stabiliser la situation sécuritaire en vue des élections générales prévues pour 2024, régulièrement repoussées depuis la fin officielle de la guerre civile.
La nomination d’Aturjong est aussi perçue comme une manœuvre politique visant à renforcer le contrôle de Kiir sur l’appareil militaire, dans un pays où l’armée reste un acteur-clé du pouvoir. Certains analystes sud-soudanais y voient un signal adressé aux factions armées et aux groupes rebelles toujours actifs dans les périphéries du pays. Le président, critiqué pour sa gestion du processus de paix, cherche peut-être à resserrer les rangs autour de lui et à envoyer un message de fermeté avant l’échéance électorale.
Le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011, reste enlisé dans une instabilité chronique malgré plusieurs accords de paix successifs. Le fragile gouvernement d’unité nationale formé avec le rival historique de Kiir, Riek Machar, est régulièrement paralysé par les désaccords politiques, les retards dans les réformes sécuritaires, et la faiblesse des institutions. Dans ce contexte, le commandement des forces armées devient un poste stratégique à haute sensibilité, et chaque remaniement militaire est scruté à l’aune des équilibres internes du pouvoir.
Alors que les bailleurs internationaux appellent à une accélération des réformes et à l’organisation d’élections crédibles, la réorganisation de la hiérarchie militaire pourrait contribuer à relancer un appareil sécuritaire miné par les divisions. Mais tout dépendra de la capacité du général Dau Aturjong à restaurer l’unité et à rétablir la discipline dans les rangs, tout en évitant les rivalités claniques qui ont souvent alimenté les conflits dans le pays le plus jeune du monde.