Le 25 avril dernier, en France, Aboubakar Cissé, 22 ans, trouvait la mort dans des circonstances effroyables : poignardé à plusieurs reprises alors qu’il priait paisiblement dans une mosquée de La Grand-Combe, dans le département du Gard. Le jeune homme, décrit comme discret et engagé dans sa communauté, n’a pas survécu à cette attaque gratuite qui a bouleversé la ville et suscité une vague d’indignation dans tout le pays. L’agresseur, rapidement interpellé, avait été interné en hôpital psychiatrique dans les jours suivants.
Aujourd’hui, moins de deux mois après ce drame, la douleur de la famille s’est transformée en incompréhension et en colère. L’auteur présumé du meurtre, diagnostiqué schizophrène, a été déclaré pénalement irresponsable après une expertise psychiatrique. Conséquence directe : il n’a pas été jugé, ni incarcéré. Son placement en unité spécialisée a été levé, et l’homme a été remis en liberté. Une décision qui fait l’effet d’une gifle pour les proches de la victime, qui réclament justice et transparence dans cette affaire.
Maître Yassine Bouzrou, avocat de la famille Cissé, dénonce un « naufrage judiciaire » et remet en cause les conclusions de l’expertise ayant conduit à l’irresponsabilité pénale. Selon lui, les conditions dans lesquelles cette évaluation a été menée soulèvent de nombreuses zones d’ombre. « Peut-on décemment considérer qu’un homme capable de préméditer une attaque dans un lieu de culte puisse être jugé hors d’atteinte de la loi ? », interroge l’avocat, qui a annoncé avoir déposé plusieurs recours et demandes d’expertises complémentaires.
Ce drame relance en France un débat sensible : celui de la frontière entre maladie mentale et responsabilité pénale. De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une réforme du cadre juridique encadrant l’irresponsabilité, trop souvent perçu comme un échappatoire par les familles de victimes. À La Grand-Combe, la communauté musulmane, encore sous le choc, a organisé plusieurs veillées en hommage à Aboubakar Cissé, dans un climat de deuil mêlé à l’amertume.
Au-delà du fait divers, cette affaire illustre le malaise profond d’une société française qui peine à concilier humanité et justice. Le sentiment d’abandon, partagé par de nombreuses familles confrontées à des situations similaires, témoigne d’un besoin urgent de repenser notre rapport à la folie criminelle et à la dignité des victimes. Pour la famille Cissé, le combat ne fait que commencer : celui pour qu’un crime aussi brutal ne disparaisse pas derrière un mur de silence médical et juridique.