Guinée équatoriale – Maroc : une relation discrète mais stratégique en Afrique centrale

Longtemps méconnue du grand public, la Guinée équatoriale émerge aujourd’hui comme un partenaire stratégique pour le Maroc sur l’échiquier africain. Petit pays d’Afrique centrale, enclavé entre le Cameroun et le Gabon, cet État hispanophone, riche en pétrole mais confronté à des défis de gouvernance et de diversification économique, suscite l’intérêt grandissant du Royaume chérifien. Derrière les sourires diplomatiques, c’est un partenariat fondé sur la coopération Sud-Sud, l’influence régionale et des enjeux économiques partagés qui se dessine entre Malabo et Rabat.

La Guinée équatoriale, dirigée depuis 1979 par le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, a connu une croissance fulgurante grâce à la manne pétrolière. Mais ce boom économique a été accompagné par une centralisation autoritaire du pouvoir et une faible redistribution des richesses. Dans ce contexte, le Maroc a su capitaliser sur sa politique africaine volontariste pour tisser des liens solides avec ce pays à la fois stratégique par sa façade atlantique et par sa position au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).

Sur le plan bilatéral, les relations entre les deux pays se sont renforcées à partir des années 2000. Visites officielles, accords de coopération dans les domaines de l’agriculture, de l’enseignement, de la santé et de l’habitat témoignent d’une volonté commune de bâtir un axe Rabat–Malabo. Le Maroc a par ailleurs formé de nombreux étudiants équato-guinéens dans ses universités, consolidant ainsi une diplomatie de l’éducation et du savoir-faire technique. À l’inverse, la Guinée équatoriale soutient fermement l’intégrité territoriale du Maroc, y compris sur le dossier du Sahara, un soutien diplomatique d’autant plus précieux que la région reste encore traversée par des influences concurrentes.

Sur le plan économique, les entreprises marocaines, notamment dans le BTP, les banques, les télécoms et les énergies, commencent à s’implanter progressivement en Guinée équatoriale. Ce rapprochement s’inscrit dans la stratégie royale de faire du Maroc un investisseur majeur en Afrique, et plus particulièrement en Afrique centrale, longtemps restée à la marge des grandes priorités du Royaume. Malabo, de son côté, cherche à attirer des partenaires fiables pour sortir de sa dépendance au pétrole et moderniser ses infrastructures. Le modèle marocain séduit par sa stabilité et sa capacité d’adaptation aux environnements africains.

Mais au-delà des intérêts économiques, cette relation s’ancre aussi dans une volonté politique plus large : celle de bâtir une Afrique forte par ses propres alliances, loin des dépendances traditionnelles envers l’Europe ou la Chine. En se rapprochant de la Guinée équatoriale, le Maroc confirme son rôle de trait d’union entre le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

Dans un monde multipolaire en recomposition, où l’influence se joue autant dans les discours que dans les investissements, Rabat et Malabo semblent avoir trouvé un terrain d’entente fondé sur la discrétion, la confiance mutuelle et des intérêts croisés. Une alliance peu médiatisée, mais révélatrice de la nouvelle carte des relations africaines.

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