Mettre en place une culture de la Qualité dans une clinique: Mission impossible?

Par Dr Redwan FREJ, Directeur des Polycliniques ADDAMAN

Dans un paysage sanitaire marocain en pleine mutation, la qualité des soins s’impose comme un enjeu central. Les patients sont de plus en plus exigeants, les réformes s’accélèrent, les attentes des tutelles évoluent. Pourtant, dans la pratique quotidienne des établissements de santé privés, faire la qualité une priorité partagée et durable reste un
défi.
Il a souvent été constaté, que passer d’une démarche qualité formelle à une culture vivante et intégrée n’allait pas de soi. Et pourtant, cette transformation est essentielle — non pour cocher des cases, mais pour améliorer réellement l’expérience des patients et les conditions de travail des équipes.
De quoi parle-t-on quand on parle de « Qualité » ?
En milieu hospitalier, la qualité ne se limite pas à l’excellence médicale. Elle englobe un ensemble de dimensions interdépendantes, qui influencent directement ou indirectement l’expérience et la sécurité du patient. Il s’agit notamment : – de la sécurité des soins (prévention des erreurs, gestion des risques infectieux, bon usage des
médicaments) ; – de la continuité et de la coordination entre les différents intervenants et services ; – de l’accueil et de l’accompagnement du patient : qualité de l’accueil physique et téléphonique, disponibilité des informations, orientation claire dans les locaux, signalétique lisible, agents dédiés à l’information ou à l’orientation ; – de la qualité de l’hospitalisation : confort des chambres, respect de l’intimité, propreté, qualité de la restauration, respect des régimes spécifiques, attention portée au bien-être global du patient ; – de la communication médicale et administrative : clarté des explications, transparence sur les démarches, écoute des attentes, accompagnement dans les décisions ; – de la réactivité face aux réclamations, incidents ou insatisfactions ; – de la qualité du plateau technique : disponibilité, entretien, efficacité et accessibilité des
équipements ; – et plus largement, de la façon dont les équipes coopèrent, communiquent et partagent les responsabilités.
Autrement dit, la qualité n’est pas l’affaire d’un seul service. Elle est transversale, et repose sur une culture partagée entre soignants, administratifs, techniciens, direction… et patients eux-mêmes.
Une dynamique bien amorcée, mais encore fragile Dans nombre de cliniques marocaines, des efforts réels sont engagés : procédures mises en place, comités qualité créés, audits réalisés, enquêtes de satisfaction diffusées. Mais ces démarches, parfois bien conçues, peinent à s’ancrer durablement. Pourquoi ?
Souvent, l’adhésion des équipes fait défaut. Cela ne traduit pas un rejet de principe, mais plutôt un décalage entre les exigences qualité et la réalité du terrain : charge de travail élevée, manque de temps, rotation du personnel, complexité administrative. La qualité peut alors être perçue comme une tâche en plus, déconnectée du soin réel et des approches trop normatives ou descendantes, sans adaptation au contexte local, risquant de générer lassitude ou résistance passive. Il faut savoir l’entendre pour mieux construire.
Sortir de la « qualité papier »
Trop souvent, la qualité est associée à des documents, des tableaux, des procédures à archiver. Or, une culture qualité vivante ne peut se résumer à un classeur.
Elle se manifeste quand : – un soignant détecte un risque et agit de lui-même, sans attendre une consigne formelle ; – une secrétaire remarque une difficulté dans le parcours du patient et propose une amélioration ; – une équipe discute ouvertement d’un dysfonctionnement sans crainte d’être jugée.
Cela suppose de passer d’une logique de conformité à une logique d’engagement. Et cette bascule, bien que subtile, change tout.
Quatre leviers concrets, accessibles et réalistes
L’experience sur de terrain montre que plusieurs pistes ont prouvé leur efficacité :

Valoriser les retours d’expérience Chaque incident, même mineur, peut devenir une source d’apprentissage collectif s’il est traité sans blâme. Ce climat de confiance est essentiel pour progresser sereinement.

Des formations ciblées et participatives Courtes, pratiques, intégrées dans le temps de travail, elles abordent des situations concrètes :
gérer un patient insatisfait, signaler un événement indésirable, harmoniser les pratiques de service, partager les bonnes pratiques . Loin des formats académiques, ces modules suscitent l’adhésion.

Des référents qualité dans chaque unité Infirmier(ère), médecin, agent d’accueil… Ces référents de proximité, bien formés, créent un lien entre la direction qualité et les équipes, tout en restant ancrés dans la réalité du terrain.

Des indicateurs simples et visibles Retards de consultation, délais de prise en charge, réponses aux réclamations… Ces indicateurs, suivis et partagés, créent une dynamique positive, parfois même une saine émulation entre services.
Une ambition réaliste si elle est collective Dans un secteur aussi exigeant que le nôtre, il serait irréaliste de prétendre tout transformer rapidement. Mais il est tout à fait possible d’avancer pas à pas, avec constance et pragmatisme.
La qualité ne se décrète pas. Elle se construit, s’entretient, se partage. Elle suppose une vision claire, une implication des équipes, un management cohérent… et surtout, une écoute du terrain.
Ce qu’il faut viser, ce n’est pas un label à afficher, mais une amélioration continue de pratiques, au bénéfice des patients comme des professionnels.

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